Le prurit : de la physiopathologie à la thérapeutique
Pruritus: from Pathophysiology to Therapeutics
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Université de Brest, LIEN, F-29200 Brest, France
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Service de dermatologie, centre expert sur le prurit, CHRU de Brest, 2, avenue Foch, F-29200 Brest, France
* e-mail : laurent.misery@chu-brest.fr
Le prurit se définit comme une sensation désagréable conduisant au besoin de se gratter. Il s’agit donc d’une sensation bien distincte de la douleur, mais dont le retentissement est équivalent. Prurit et douleur se différencient non seulement par l’induction de réactions différentes (grattage, retrait), mais aussi par des effets plutôt opposés de la chaleur et du froid ou surtout des opiacés. Les traitements sont très différents. Dans la peau et certaines muqueuses, il existe des récepteurs spécifiques du prurit (pruricepteurs), puis il existe des voies spécifiques conduisant le signal « prurit » jusqu’à différentes régions du cerveau. Ces voies sont partagées avec celles de la douleur ou non. Les mécanismes de sensibilisation périphérique et centrale au prurit sont de mieux en mieux compris, avec comme conséquences cliniques le prurit chronique, l’allokinésie et l’hyperkinésie. La douleur peut inhiber le prurit en activant des interneurones. Elle peut parfois coexister avec le prurit, en particulier en cas de prurit neuropathique. Les causes de prurit sont le plus souvent dermatologiques, mais d’autres causes sont aussi possibles : rénales, hépatiques, endocriniennes, métaboliques, hématologiques, paranéoplasiques, neurologiques, psychiques, iatrogènes ou mixtes. Jusqu’à présent, la prise en charge du prurit était décevante. Les antihistaminiques sont assez rarement efficaces. Les gabapentinoïdes peuvent être utilisés. Les progrès récents de la recherche ouvrent de nouvelles voies : κ-agonistes, μ-antagonistes, anti-IL31, anti-IL4/13, inhibiteurs de NK1, anti-Jak, etc. Une structuration en réseau de centres antiprurit s’inspirant de l’organisation des centres antidouleur serait probablement très utile.
Abstract
Pruritus (itch) is defined as an unpleasant sensation leading to the need to scratch. It is therefore a sensation that is distinct from pain but whose repercussions are quite equivalent. Pruritus and pain are differentiated not only by the induction of different reactions (scratching, withdrawal) but also by rather opposite effects of heat and cold or completely opposite effects of opiates. The treatments are very different. In the skin and some mucosa, there are specific pruritus receptors (pruriceptors) and then there are specific pathways leading the “pruritus” signal to different areas of the brain. These pathways are shared with the pain pathways or not. The mechanisms of peripheral and central sensitization to pruritus are increasingly well understood, with the clinical consequences of chronic pruritus, alloknesia and hyperknesia. Pain can inhibit pruritus by activating interneurons. It can sometimes coexist with pruritus, particularly in the case of neuropathic pruritus. The causes of pruritus are most often dermatological but other causes are also possible: renal, hepatic, endocrine, metabolic, hematological, paraneoplastic, neurological, psychic, iatrogenic or mixed. Until now, the management of pruritus has been disappointing. Antihistamines are rarely effective. Gabapentinoids may be used. Recent progress in research is opening up new avenues: κ-agonists, μ-antagonists, anti-IL31, anti-IL4/13, NK1 inhibitors, anti-Jak, etc. A network of antipruritus centers inspired by the organization of pain management centers would probably be very useful
Mots clés : Prurit / Douleur / Neurone / Peau / Sensibilisation
Key words: Pruritus / Pain / Neuron / Skin / Sensitization
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