Ces antalgiques qui font peur : protoxyde d’azote, ibuprofène, opiacés et paracétamol
Analgesics that Worry: Nitrous Oxide, Ibuprofen, Opiates and Paracetamol
Centre de la douleur et de la migraine de l’enfant, hôpital Trousseau, F-75012 Paris, France
* e-mail : doc.annequin@yahoo.fr
Les médicaments de la douleur font l’objet de craintes souvent majeures. Le protoxyde d’azote associé à 50 % d’oxygène (MEOPA) est le produit de référence pour la douleur provoquée par les soins en pédiatrie. Le mésusage des cartouches de protoxyde d’azote pur à visée récréative peut avoir des effets indésirables majeurs lors d’expositions très prolongées ; il ne doit pas être confondu avec le MEOPA à usage médical dont le rapport bénéfice/risque est très rassurant. L’usage massif des opiacés essentiellement aux États-Unis pour des douleurs chroniques a donné lieu à une catastrophe sanitaire. Ces produits demeurent les produits de référence pour traiter les douleurs aiguës et intenses, et le risque de mésusage y est exceptionnel quand ils sont utilisés sur des durées courtes avec un suivi clinique. En revanche, un risque réel existe lors de l’utilisation prolongée de ces médicaments dans la douleur chronique non cancéreuse ; cette dernière nécessite une véritable prise en charge pluridisciplinaire permettant d’éviter au maximum les médicaments antalgiques. En France, la peur de l’utilisation des AINS est ancienne et en grande partie infondée. Elle s’est exprimée récemment par des avis officiels erronés recommandant d’éviter l’ibuprofène lors de la première vague de la SARS-CoV-2. Le paracétamol a au contraire en France une image de sécurité surévaluée auprès des médecins et du public. Nos connaissances sur les risques liés aux médicaments de la douleur se sont enrichies ces dernières années. Si la vigilance des professionnels doit être continue, elle ne doit pas se transformer en suspicion. Les bonnes pratiques doivent être mieux diffusées notamment sur la prise en charge de la douleur chronique. L’amplification par les médias et les réseaux sociaux qui ne soulignent que les effets indésirables, voire les décès, occultent tous les bénéfices majeurs apportés par ces produits qui restent dans la grande majorité des cas des produits de référence. À l’inverse, les conséquences dramatiques (sanitaires et humaines) peuvent encore s’observer massivement dans les pays pauvres qui n’ont quasiment aucun accès aux médicaments de la douleur.
Abstract
Pain medications are often the subject of major fears. Mixture of 50% nitrous oxide and 50% oxygen (MEOPA) is the reference for pediatric procedure pain. Misuse of recreational pure nitrous oxide cartridges can have major adverse effects after very prolonged exposures; it should not be confused with MEOPA for medical use, whose benefit-risk ratio is very reassuring. The massive use of opiates mainly in the US for chronic pain has led to a health catastrophe. These products remain the reference products to treat acute and severe pain and the risk of misuse is exceptional when used over short periods of time with clinical follow-up. On the other hand, there is a real risk when using these drugs for prolonged periods of chronic non-cancer pain; the latter requires real multi-disciplinary care to avoid painkillers as much as possible. In France, the fear of using is old and largely unfounded. It has recently expressed itself by erroneous official opinions recommending avoiding ibuprofen during the first wave of SARS-CoV-2. On the contrary, paracetamol has an over-evaluated safety image in France among doctors and the public. Our knowledge of the risks associated with pain medications has grown in recent years. If the vigilance of professionals is to be continuous, it must not turn into suspicion. Good practices need to be better disseminated, especially on the management of chronic pain. The amplification by the media and social networks, which emphasize only adverse effects or even deaths, obscures all the major benefits brought by these products, which remain in the vast majority of cases reference drugs. Conversely, the dramatic consequences (health and human) can still be seen massively in poor countries that have virtually no access to pain medications.
Mots clés : Peur des médicaments / ibuprofène / protoxyde d’azote / paracétamol
Key words: mistrust of drugs ibuprofen / nitrous oxide / paracetamol
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