Mobilité psychique et douleur chronique : étude phénoménologique du vécu de 14 personnes souffrant de douleur chronique
Pain and Psychic Mobility: Psychological Aspects of Re-movement in People with Chronic Pain
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Laboratoire de psychopathologie et neuropsychologie, Université Paris-VIII, 2, rue de la liberté, F-93526 Saint-Denis, France
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Structure douleur chronique du Dunkerquois et de l’Audomarois, 130, avenue Louis-Herbeaux, F-59385 Dunkerque, France
* e-mail : lionet.bertrand@neuf.fr
** e-mail : antoine.bioy@iedparis8.net
La douleur chronique atteint le sujet dans sa globalité. Par le passé, les études en psychologie se sont principalement intéressées aux facteurs de vulnérabilité : les facteurs individuels, les facteurs psychopathologiques et les facteurs émotionnels. Dorénavant, la recherche s’intéresse aux aspects protecteurs en tant qu’alternatives aux effets délétères de la douleur chronique. Nous présentons ici les résultats de notre étude sur la notion de mobilité psychique. Nous envisageons la mobilité psychique comme un mouvement du côté du sujet défini comme sa capacité à bouger dans ses représentations, ses investissements et son rapport à la douleur. La méthode est celle d’une recherche non interventionnelle portant sur le vécu de 14 personnes atteintes de douleur chronique. Deux entretiens de recherche sont réalisés à deux mois d’intervalle en amont de la prise en charge par une équipe douleur. Les données d’entretien sont exploitées en utilisant l’Interpretative Phenomenological Analysis. La structuration de la relation d’objet est appréciée à travers la Social Cognition Object Relation Scale. Le vécu de la douleur est évalué à l’ENS et à l’EVA. Les résultats montrent que l’impact délétère de la douleur chronique domine l’expression du vécu spontané. La mobilité psychique est malgré tout présente chez la majorité des répondants. Deux voies sont repérables. Elles passent toutes les deux par la demande de soin et l’investissement actif dans les soins. La première voie « identitaire » se poursuit à travers la capacité à se représenter dans l’avenir et à intégrer son identité de douloureux chronique. La seconde voie est celle de l’incertitude. Elle concerne le fait de ne plus chercher à contrôler systématiquement sa douleur pour faire face à l’incertitude et à l’angoisse qu’elle génère. La qualité de structuration de la relation d’objet est globalement corrélée avec la mobilité psychique, mais elle n’est pas une condition suffisante. L’absence de mobilité psychique est effectivement liée à un vécu d’aggravation des pics douloureux évalués à l’EVA. La prise en compte de la mobilité psychique est une dimension pertinente pour les psychologues exerçants en équipe douleur. Elle peut être intégrée à leur évaluation et constituer un levier intéressant dans le cadre des psychothérapies.
Abstract
Chronic pain affects the subject as a whole. In the past, psychological studies have focused on vulnerability factors: individual factors, psycho-pathological factors and emotional factors. Research is now focusing on protective aspects as alternatives to the deleterious effects of chronic pain. We present here our study about the notion of psychic mobility. We consider psychic mobility as a movement of the subject defined as his ability to move in his representations, his investments and his relationship to pain. Our research method is based on an observational study of fourteen patients with chronic pain. Each patient benefits from two research interviews conducted two months apart before the pain team takes charge of the treatment. Maintenance data are collected using Interpretative Phenomenological Analysis. The object relation quality is assessed through the Social Cognition Object Relation Scale. The pain experience is rated with SNS and AVS. Results show that the deleterious impact of chronic pain dominates the expression of spontaneous experience. Psychic mobility is still present in most of respondents. Two ways of changing are observed and both involve a demand for care and active investment in care. First way, called “identity”, uses the patient’s ability to represent their future and integrate their identity as a chronic pain patient. Second way, called “uncertainty”, no longer seeks to control the pain to cope with the uncertainty and anxiety it provides. A strong object relation structuration is associated with a best psychic mobility, but object relation quality is not a sufficient condition for a good psychic mobility. Indeed, poor psychological mobility is linked with worsening experience of painful peaks evaluated with EVA. Considering psychological mobility is a relevant dimension for psychologists working in pain teams. It can be integrated into their evaluation and constitute an interesting lever in psychotherapy context.
Mots clés : Douleur chronique / Mobilité psychique / Changement
Key words: Chronic pain / Psychic mobility / Change
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