Physiologie de la douleur et de l'hyperalgésie ou de la nociception à la contagion émotionnelle de la douleur
Physiology of Pain and Hyperalgesia or From the Nociception to the Emotional Contagion of Pain
Équipe “homéostasie-allostasie-pathologie-réhabilitation”, université de Bordeaux, Institut de neurosciences cognitives et intégratives d'Aquitaine (INCIA) UMR CNRS 5287, 146, rue Léo Saignat, F-33076 Bordeaux, France
* e-mail : gsimonnet@yahoo.com
Reçu :
10
Février
2016
Accepté :
18
Février
2016
L'intensité de la sensation douloureuse n'est pas un simple reflet de l'importance de l'agression tissulaire nociceptive mais est également le reflet de processus de plasticité neuronale induits par des processus de sensibilisation périphériques et centraux, se traduisant par de l'hyperalgésie ou de l'allodynie, voire des douleurs spontanées.
Bien que la morphine et ses dérivés soient reconnus comme les antalgiques de référence dans les douleurs modérées à sévères, des études expérimentales et cliniques montrent clairement que leur administration donne naissance à des hypersensibilités durables à la douleur pouvant conduire au développement de douleurs chroniques. Ces effets ne feraient que mimer ce que font les opioïdes endogènes eux-mêmes lorsqu'ils sont mis en jeu lors de stress environnementaux menaçant la survie de l'individu. Cette hypersensibilité induite par les substances opioïdes exogènes ou endogènes n'est pas limitée à la sensation douloureuse mais rend compte également de la vulnérabilité induite de la sphère émotionnelle comme il en est de l'anxiété par exemple.
En raison de mécanismes différents de ceux de la nociception, l'hypersensibilité à la douleur ne peut être réduite par des antalgiques classiques (antinociceptifs) et requiert des thérapies spécifiques dites d'antisensibilisation, telles que les antagonistes NMDA, le protoxyde d'azote, le néfopam ou les régimes alimentaires pauvres en polyamines, capables de moduler négativement (sans les bloquer) les récepteurs NMDA.
Abstract
The intensity of a pain does not simply reflect the severity of the injury that caused it, but also depends very much on the individual's history. Therefore, clinical pain is also largely the expression of neural plasticity associated with peripheral and central sensitization leading to hyperalgesia, allodynia and persistent, spontaneous pain.
Although opioids are recognized as unsurpassed analgesics for moderate to severe pain, for more than a century, experimental and clinical studies have reported that the administration of exogenous opioids not only produces analgesia but also induces long-term hypersensitivity to pain, in the form of prolonged hyperalgesia after an injury which is capable of facilitating the development of chronic pain. Like exogenous opioids, endogenous opioids released during situations of stress induce a latent hypersensitivity to pain that may emerge in the form of more severe pain on subsequent injuries. The hypersensitivity to pain induced by opioids is associated with a more general hypersensitivity affecting the emotional sphere, for example in terms of anxiety.
The consequences of hypersensitivity to pain cannot be managed using analgesics alone but require specific anti-sensitisation strategies, such as NMDA receptor antagonists, nitrous oxide, nefopam and nutrition low in polyamines.
Mots clés : Hypersensibilité à la douleur / Hyperalgésie / Opioïdes exogènes et endogènes / Thérapies antisensibilisation
Key words: Pain hypersensitivity / Hyperalgesia / Exogenous and endogenous opioids / Anti-sensitization therapies
© Lavoisier SAS 2016